mardi 30 décembre 2008

Pour en finir avec le journalisme citoyen

Quatre années après sa naissance, il est temps de clore le débat sur le "journalisme citoyen" à la sauce 2.0. Pour mieux aborder les opportunités naissantes du témoignage participatif.

Mal forgée, mal interprétée, l'expression "journalisme citoyen" a biaisé d'emblée les termes de la discussion.

En avançant l'idée que "si tout le monde devient journaliste (avec le web 2.0, les blogs, la généralisation des appareils photos, caméras numériques et caméraphones) , il n'y a plus de journalisme", la profession a voulu se faire peur.

Les UGC (User-generated content), ou contenus auto-édités numériques, furent d'emblée perçus comme un risque par les journalistes:

- un risque pour le modèle économique de la presse (l'offre gratuite et abondante des infos amateurs submergerait l'offre traditionnelle des professionnels)

- un risque pour la fiabilité des informations ("l'amateur, ce bidonneur ")

- un risque pour l'équilibre du traitement de l'information (des lobbies s'emparant de ce nouvel outil), entraînant un un nivellement des valeurs, un relativisme échevelé, dans un brouhaha d'enfer.

- un risque pour la qualité des infos, du récit (la fin des canards, donc des plumes)

- un risque pour la vie privée (tous paparazzi, ou le syndrome Big Brother).

Pour de nombreux journalistes, l'intérêt de voir le public entrer dans la danse de l'info s'est révélé non seulement faible, mais dangereux. L'apport? souvent considéré comme marginal.

Noyé dans les flots d'encre d'un tempétueux débat, le "journaliste citoyen" serait-il déjà en train de sombrer?

Peut-être sous cette appellation. Mais c'est pour mieux donner naissance à une autre espèce, le "témoin d'événements", ou témoin tout court, un témoin participant à l'élaboration de l'information (ok, "journaliste citoyen" sonnait bien, trouvons mieux :) ).

Avec le journaliste citoyen, Mr Tout-le-monde devenait un professionnel. Ce qui incluait un travail en amont (la recherche d'un angle, la sélection et vérification des sources) et en aval (l'édition). Un métier, en somme.

A-t-on voulu voir dans cette figure-épouvantail du journaliste citoyen quelqu'un capable de réaliser une enquête au long cours sur des sujets nationaux, voire internationaux?

En accréditant cette idée du "tous journalistes", on allait au-devant d'une déception certaine.

Pour Alain Le Diberder, auteur d'un excellent article à ce sujet dans Culture Web ( sous la direction de Xavier Greffe, Nathalie Sonnac, Dalloz 2008), "le syllogisme subliminal est bien le suivant: Internet égale tout le monde auteur. Tout le monde égale madame Michu. Madame Michu est nulle. Donc Internet est nul."

Parler tout simplement de "témoins" (participant à la production et diffusion d'informations) pourrait dépassionner le débat, et faire mieux saisir à la presse toutes les opportunités du phénomène. Un phénomène dont l'histoire des médias ne fait encore qu'aborder le premier chapitre.

Ce témoin ne sera pas "tout le monde", mais appartiendra toujours une minorité.

Celle qui a envie de porter son témoignage à la connaissance de tous, qui connaît les outils, services, sites appropriés, qui a le réflexe d'agir au quotidien.

"Le cercle des initiés s'élargit: il passe d'une infime minorité à une petite minorité, écrit Alain Le Diberder dans Culture Web. (...) La production de contenus auto-édités numériques est en effet massive par rapport aux contenus classiques, mais elle reste le fait d'une toute petite minorité des internautes: 0,6% pour la photographie, 0,7% pour l'encyclopédie" (wikipedia).


Le témoin :

- tombe par hasard sur un événement qui va faire l'actualité (une vague géante)



- ou désire témoigner sur un événement qu'il est en train de vivre (une manifestation)

- peut se révéler un expert dans un domaine précis (un avocat parlant d'audiences vécues, c'est toute la force et le succès d'un site comme Rue89). L'UGC, terme flou, gagne à être décliné: lire cette intéressante typologie.

- dispose d'outils pour communiquer et connaît les sites qui pourront héberger son témoignage.

- peut commenter, préciser, vérifier des infos fournies par d'autres professionnels ou d'autres témoins.

- Le témoin participant, aussi qualifié soit-il, n'est donc un professionnel de l'info. On n'a jamais vu une rédaction envoyer ses reporters à chaque coin de rue pour attendre qu'un événement se produise. Il ne menace pas le métier de journaliste.
Ce que dit le témoin n'est pas de l'information, mais peut le devenir si on (il faudra se mettre d'accord sur la définition de ce "on": les journalistes seuls?) a recoupé, vérifié, édité le matériau brut.

- Le témoin pourra être rémunéré, mais nous parlons de compléments de revenu, pas d'une activité principale. Imaginons le cas (c'est arrivé) où un média revende à un autre média une vidéo envoyée par un amateur: il semble logique de rémunérer l'auteur (son document a bien une valeur).

Le témoignage participatif, au coeur du journalisme participatif, ne remplacera pas le journalisme traditionnel, mais en composera une nouvelle branche.

Le témoin pourra jouer plusieurs rôles, et apporter beaucoup à une rédaction :


- Alerter.

- Apporter des informations et une mutitplicité de points de vue (texte, photos, vidéos), rapidement, dans un espace médiatique non-limité et accessible pendant longtemps, comme l'avait déjà noté dès 2006 André Gunthert, pendant l'occupation de l'EHESS (PDF).

- Mailler plus finement une zone géographique en temps réel (par exemple pour couvrir une inondation, où de nombreuses zones sont difficilement accessibles aux reporters).

- coproduire l'info, mais aussi la "cofiltrer", comme l'écrit Jeff Mignon: le témoin direct sera une source d'info parmi d'autres (amis, pros, experts...).

- Commenter, apporter des précisions, voire vérifier les informations déjà produites par les professionnels ou la communauté. Toutes les dernières imprécisions, erreurs (de date, de lieu) et bidonnages ont été repérés par des communautés de spécialistes.

- Permettre de dénicher des angles inédits. Voir ses retours d'expériences de journalistes britanniques de la chaîne Sky et de la BBC.

- Trouver d'autres témoins dans ses réseaux sur un événement ou un angle précis.

- Fidéliser une communauté autour d'un titre, d'un site, bref d'une marque média (où je vais retrouver des infos de professionnels mais aussi de passionnés, de connaisseurs).

Revenons sur deux points intéressants:

- L'alerte. Il est tentant de penser qu'avec des outils comme Twitter (puis d'autres), l'information "chaude" viendra plus souvent des témoins, tout comme le suivi immédiat (le crash d'un avion raconté par un passager). Il faudra utiliser ces nouveaux réseaux sociaux à bon escient, en vérifiant et identifiant les sources, en séparant le brouhaha de la discussion du signal d'alerte et des infos intéressantes.

Si une source de tweets ne fait pas forcément de bons témoignages participatifs
, Twitter s'annonce comme une source de sources (selon la belle expression du journaliste Philippe Couve) à ne pas négliger.

"Il ne s'agit pas de remplacer l'info des agences par Twitter ou Flickr (la plateforme de photos), mais de les exploiter intelligemment, et de former les journalistes à les appréhender", remarque Benoît Raphaël.

Pourquoi les alertes provenant des témoins vont-elles se multiplier?

L'internet mobile version iPhone vient tout juste de naître. De nouvelles applications permettront d'envoyer et de recevoir plus facilement des photos/vidéos. L'apparition d'applications mêlant GPS + signature numérique s'avère prometteuse pour vérifier ces photos/vidéos uploadées depuis le mobile.

Le processus d'envoi reste encore compliqué: il faut transférer les photos sur un PC, s'inscrire sur un site, remplir des champs, charger les photos. Le témoignage participatif version web mobile n'est qu'à la première page du premier chapitre de son histoire. La culture de l'upload est surtout répandue chez les digital natives.

Hier, il était pénible, voire impossible d'envoyer une vidéo depuis son mobile: aujourd'hui c'est la diffusion en direct qui s'annonce à portée de tous.


- Le maillage du territoire.
L'hyper-local, vu comme une longue traîne géographique, c'est peut-être le paradis du témoignage participatif.

Comment mieux couvrir une tempête de neige, sur une zone, qu'en se retrouvant sur une même plateforme, pour échanger ses témoignages?

Combien d'équipes de reporters pour atteindre ce degré de couverture?

Alors que le 7 janvier, la neige tombait à gros flocons sur le sud de l'hexagone, Citizenside (la plateforme participative à laquelle je collabore) a reçu en quelques heures plus de 75 photos pour la seule ville de Marseille, et des vidéos saisissantes.


Comment mieux couvrir certaines zones de guerre, là où les professionnels de l'info sont peu présents (je pense à cet efficace outil pour couvrir la crise au Congo, Ushaïdi)?

Le maillage du territoire par des amateurs ne date pas d'hier, remarque Jeff Mignon: le correspondant local remplit depuis longtemps cette fonction...et remplit 80% des pages de la presse quotidienne régionale, contre une rémunération (modique), et la satisfaction d'écrire pour le journal. Réinventer le rôle du correspondant local devrait être une priorité de la PQR.


Conclusion:

- Si certains enterrent le journalisme citoyen, le témoignage participatif a le vent en poupe.

Comme le rappelle Marie-Catherine Beuth,
l'une des tendances fortes en 2008 pour les cent premiers sites de médias américains (rapport en PDF) fut l'ouverture aux photos amateurs - la majorité des sites accueillant désormais des contributions de leur communauté. Pour la vidéo amateur, seuls 18% des sites aux USA disposent d'un espace dédié: la marge de progression reste importante.

Le succès fulgurant en terme d'audience du Post.fr ne s'explique-t-il pas aussi par le degré d'ouverture à la participation du public? La réussite d'un gratuit sur le web comme 20minutes.fr, n'est-il pas dû , aussi, à l'espace laissé à ses lecteurs, pour notamment envoyer des infos/photos?

Un autre exemple: l'essor d'iReport.com, la plateforme participative de CNN. Grâce à des appels à témoignages très nombreux lancés sur la chaîne, plus de 225 000 contributions photos/vidéos ont été reçues depuis le lancement en février 2008, et restent accessibles sur le site.

Environ 1 000 par mois sont diffusées à l'antenne. Ce qui permet à CNN de faire remonter des informations locales, comme lors d'une tempête de neige, où les équipes ne peuvent pas forcément accéder.

CNN USA (qu'on peut regarder via Blinkx Beat) diffuse chaque jour à l'antenne les contributions du jour, interviewe ses membres par téléphone, qui commentent leurs images.




- Le défi sera d'intégrer intelligemment le témoignage participatif dans le journalisme participatif, lui-même une branche (pas la seule) du journalisme en général.

Il faut pour cela réinventer le métier de médiateur, les profils des postes (animateur de communauté, PDF sur les "compétences du futur"), former les autres, comme l'imagine Jeff Jarvis, se former à de nouveaux outils, créer ceux qui n'existent pas encore pour mieux communiquer avec sa communauté (et que la communauté puisse elle-même mieux communiquer).

Ouvrir son espace aux commentaires, aux témoignages, sons, écrits, photos et vidéos. Enfin, descendre de son piédestal, pour amorcer le dialogue avec le public (il ne s'agit pas d'un scoop: ces derniers points, et d'autres abordés ici, ont déjà fait l'objet d'une prose abondante).

Info transparence: je suis le rédacteur en chef de Citizenside.com, plateforme d'échange et de vente de photos et vidéos amateurs d'actualité.

vendredi 19 décembre 2008

Regarder la télé sur son PC avec Bis TV online



Le groupe AB lance aujourd'hui Bis TV online, qui permet de regarder 15 chaînes de télévision en direct, gratuitement, depuis son PC. La technologie de peer-to-peer a été conçue par la start-up israélienne, RayV, dont les fondateurs sont à l’origine de la VoIP.

Comme l'explique le communiqué, "pour une fluidité optimale des données, la RayV Grid est dotée "d’amplificateurs" qui se servent des ressources de bande passante non utilisées pour les allouer à d’autres membres temporairement". C'est ce qui permet déjà à des plateformes de vidéos à la demande comme la Blinkx broadband TV de proposer une très belle qualité d'image (et la reconnaissance vocale).

Mais au fait, pourquoi regarder la télé sur son PC?

"Les habitudes de consommation de la télé changent rapidement", explique en substance Gregg Bywalski, le directeur marketing bien coiffé du groupe AB.

"Le coeur de cible est similaire aux utilisateurs intensifs du web, c'est-à-dire plutôt jeune.
Cependant la réflexion de départ fut de pouvoir proposer un offre TV à tous ceux pour qui la télé par ADSL via un fournisseur d'accès internet n'était pas possible", renchérit Cyril Derache, en charge du projet chez AB group, qui a répondu à mes questions.

Perso, regarder la télé sur son laptop, je trouve ça aussi pratique au bureau pour regarder les chaînes d'info comme BFM TV (la première à diffuser son antenne sur son site) ou sous la couette.

Car ce service existe déjà, notamment avec Zattoo. La société américaine a rencontré de nombreux problèmes juridiques à l'étanger, avec des diffuseurs pas contents de se voir pirater leur antenne. En France, pareil. Mais le logiciel à télécharger fonctionne toujours.



En terme d'offre, l'avantage est toujours pour Zattoo: 21 chaînes gratuites, dont celles du groupe France Télévisions (sans son accord). AB ne diffuse gratuitement qu'une quinzaine de 15 chaînes plus ou moins intéressantes (KTO, qui plafonne à 0,0% de part d'audience sur le câble, était-ce nécessaire?).

Il faut payer 3,90 euros pour obtenir les chaînes du service public (et neuf autres, dont quatre au choix avec Cinefix ou Cinéfirst).

Mais AB nous promet tout plein d'autres chaînes gratuites pour bientôt. Ouf.

Pour les passionnés de basket, NBA devrait prochainement débouler, ainsi qu'une chaîne "100% clubbing electro". Ca, c'est de la niche :).

Bizarrement, certaines chaînes du groupe, comme AB1, ne sont proposées qu'en supplément.

AB vise un taux d'abonnement de 20% (il y a aussi une formule all-inclusive avec des chaînes X à 9,90 euros) et se rémunérer aussi sur la pub.

Gros point positif par rapport à Zatto : Bis Tv online propose une qualité d'image supérieure, et plus fluide, ce qui n'est pas rien (même si la qualité varie selon les chaînes - il y aussi des webchannels).

L'interface pour zapper entre les chaînes est encore un chouïa compliquée, et l'ergonomie améliorable (pourquoi de si petits boutons pour passer à la page suivante?). Je préfère personnellement disposer d'une télécommande "détachable" comme celle proposée par Zattoo.

En revanche, la possiblité de se créer des "Favoris" rend la navigation beaucoup plus pratique, une fois configurée.

Bref, c'est quand même pas mal, mais il manque selon moi des outils plus participatifs pour sortir la télé du téléviseur et l'adapter à une consommation sur un écran de PC connecté.

Par exemple un guide des programmes. Celui de Zattoo est plutôt bien fait, même si dans ce domaine, comme le rappelle Olivier Ezratty, tout reste encore à inventer question ergonomie.

AB dit travailler au lancement d'une "social viewing room", qui permet de chatter en direct, de noter des programmes, de les commenter.

Les diffuseurs américains ont multiplié les expériences de social viewing room cette année.
L'idée est de partager en même temps ses émotions autour d'un programme avec ses proches. Comme devant le téléviseur...mais à distance.

A côté du chat, on a imaginé d'autres défouloirs...comme jeter des tomates (ou des fléchettes, ou des bisous) sur les personnages d'une série, comme le fait CBS avec "How I met your mother".



Mais il s'agit là de programme déjà diffusés et non de télé en direct, ce qui est techniquement plus facile.

La télévision de rattrapage ou catch-up, parlons-en: AB dit travailler à une offre conjointe avec son service de télé sur PC, et propose en version beta : son Repeat LAB.

Bon, pour l'instant, comme il n'y a que des programmes du groupe AB, c'est surtout pratique pour revoir les inoubliables épisodes du "Miel et les abeilles"...

Quel avenir pour Bis? Comme la concurrence est plutôt rare dans ce domaine, le petit logiciel d'AB risque de connaître un certain succès - à condition de proposer une offre gratuite (et payante, mais moins chère) élargie.

jeudi 11 décembre 2008

Buzz et vidéos virales: la stratégie des marques, avec Media Junkie

George Mohammed-Chérif (Buzzman) et François Guillot (I&E, I&O(s) ) ont participé au dernier Media Junkie, la web-émission sur les nouveaux médias.

Thème du jour: le bilan 2008 des campagnes de vidéos virales pour les marques qui ont osé l'aventure.

Dernières tendances, analyses, et l'ingrédient ultime pour réussir sa vidéo virale...Pour comprendre les dessous du buzz, regardez Media Junkie!

mercredi 10 décembre 2008

Influence de la télé ou des blogs? le pouvoir correctif du web

Intéressant débat au Social media club la semaine dernière sur le pouvoir des blogueurs, en marge d'une discussion sur l'évolution des relations publiques.

A ma gauche, "les blogueurs ont maintenant une réelle influence sur l'opinion, notamment dans le secteur de la high-tech, par rapport à la presse spécialisée traditionnelle". Ce qui est vrai.

A ma droite, des analystes plus circonspects: "Sur les sujets hors-geek, les journalistes fixent encore l'agenda, parlent à des millions de personne, ont un impact énorme sur le grand public, contrairement aux blogueurs". Ce qui n'est pas faux non plus, et pour bien des années.

L'un des aspects les plus intéressants de cette année, concernant la télévision, fut la confirmation de la puissance de la blogosphère pour corriger/critiquer la presse audiovisuelle.

Là où les journalistes de presse écrite ont commencé à comprendre la notion de commentaires, de critiques, d'horizontalité du web, les journalistes de télévision découvrent à leurs dépens qu'une voie de retour existe.

Avant, tout était simple. Si je faisais une erreur, une approximation, ou prenais partie (ce qui n'est pas forcément condamnable), dans mon reportage télé, j'avais droit à quelques coups de fils au standard, des lettres acides.

En cas de gros bidonnage, des articles dans la presse écrite (il y eut aussi à la télévision la période Arrêt sur images, qui vit de très belles heures sur le net).

Aujourd'hui, la critique est plus rapide, plus répandue, plus systématique.

Les (plus ou moins) grosses erreurs échappant à l'oeil des journalistes se voient pointer du doigt par des blogueurs/internautes/communautés de spécialistes. Des erreurs soulevées, corrigées, puis commentées, relayées, sur différents blogs ou sites...avant d'être reprises par les médias traditionnels en fin de parcours.

Quelques exemples cette année d'erreurs involontaires ou de bidonnages manifestes:

- La fausse photo de la tornade à Hautmont, "prise par un particulier", présentée comme un scoop à l'antenne par une présentatrice - un cliché qui datait de l'année dernière, et qui avait été réalisé au Royaume-Uni. La supercherie a été repérée par des internautes avisés (d'où la nécessité de vérifier les images amateurs).

- Le faux-client, vrai agent immobilier de ce sujet du 13 heures
: l'histoire n'a pas tardé à faire le tour de la toile.

Au rayon remontage, approximation, "survente" de sujet et dramatisation, trois exemples parmi d'autres.

- Une association qui s'indigne du montage final d'un débat de société sur le logement après avoir assisté à l'enregistrement de l'émission.

- Les étranges raccourcis des Infiltrés concernant une partie du tournage auquel j'ai pu assister.

- On retiendra surtout en 2008 ce reportage d'Envoyé Spécial concernant Facebook, accusé par la blogosphère d'avoir présenté le réseau social comme un repaire de drogués, ados neuneus, etc.

Un sujet magazine qui a déclenché un beau tollé - le meilleur résumé se trouvant évidemment sur BienBienBien.

Le plus surprenant...fut sans doute la surprise du journaliste, dans cette interview de l'Express.fr

Résumer une situation à gros trait, dramatiser (légèrement ou lourdement), couper/déformer un peu trop les interviews dans le sens souhaité (par le journaliste) : nous connaissions ces petits travers de la télé.

Ce qui est nouveau, c'est la possiblité non seulement de s'indigner (pour les spécialistes de la question), mais aussi de le faire savoir. Habitué à tenir son micro branché sur des enceintes surpuissantes, voilà le journaliste projeté dans l'arène, devant répondre point par point à une armée de téléspectateurs mécontents (pour des raisons valables ou non).

Face à ce nouveau pouvoir correctif de la blogosphère (du web en général), le journaliste télé paraît bien désemparé.

Il lui faudra d'abord descendre de son piédestal et se justifier, parler, répondre aux critiques - comme ses confrères ont pu l'expérimenter en ouvrant leurs articles aux commentaires ou en tenant leur blog.

Il lui faudra aussi évoluer sur ses présupposés (je suis le sachant, personne n'a accès aux sources, le public découvre mon sujet pour la première fois, il n'aura pas les moyens de vérifier ni de communiquer autour de mon reportage).

Il lui faudra repenser le fond - le choix de sujets ultra-consensuels - comme la forme - finie (un résumé en forme d'impasse à une seule entrée, sans possibilité de creuser, d'aller voir plus loin), un format de de plus en plus ringard aux yeux du jeune public, un tournage qui hésite toujours entre le storyboard du cinéma et la prise direct, enfin le montage.

MAJ 12/12/08: Comme le suggère François Guillot sur aaaliens, il faut rajouter à ce "pouvoir" de correction de la blogosphère celui des moteurs de recherche. Si l'on s'intéresse au sujet, on trouvera rapidement des billets apportant la contradiction, corrigeant/critiquant le reportage télé. Et pour longtemps. Grâce à la magie de Google. C'est l'une des forces du web (la permanence) par rapport au caractère éphémère et unique de la la diffusion. Mais là encore, on parle à l'heure actuelle de milliers (dizaines, centaines de milliers dans le meilleur des cas) quand une émission de magazines compte en millions de téléspectateurs.